Partons aujourd’hui à la rencontre d’un alumni au parcours atypique. François-Guillaume Jaeck est resté au LFS pendant 10 ans et a passé son baccalauréat OIB Chinois en 2013. Travaillant et résidant actuellement au Soudan du Sud, il nous raconte son histoire.
Bonjour François-Guillaume et merci de nous accorder cet échange aujourd’hui. Te trouvant en Asie actuellement, nous sommes plutôt chanceux d’être sur le même fuseau horaire. Mais ce n’est pas où tu vis, n’est-ce pas ?
Non effectivement, je suis en vacances en Asie, j’en profite pour voir des amis et ma famille. Je vis actuellement au Soudan du Sud qui se trouve en Afrique de l’Est.
Que fais-tu là-bas ? Cela fait combien de temps que t’y trouves ?
Je travaille avec une agence des Nations Unies, qui s’appelle Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Cela fait maintenant deux ans que je travaille avec l’OIM au Soudan du Sud.
Comment ton parcours t’a mené à t’établir au Soudan du Sud ?
Si on m’avait demandé il y a quatre ans si j’allais finir au Soudan du Sud à un moment dans ma vie, je n’aurais pas vraiment pu répondre. C’est vraiment une décision que j’ai prise à un moment où je devais passer de ma mission précédente à celle-ci.
En fait, en grandissant, j’ai toujours voulu faire un travail qui mêle compassion, action, et aventure. Il existe beaucoup de professions qui ont ce mélange, il n’y a pas que le travail humanitaire. Mais je pense que la composante sociopolitique et les dimensions qui entourent le travail humanitaire m’y ont attiré. Il y a eu des choix à faire et il faut savoir que à un moment de ma vie, je me disais que j’allais devenir vétérinaire. (Rires)
Mais j’ai finalement décidé de prendre une voie différente, et mon intérêt pour le travail humanitaire s’est fait plus fort quand j’ai commencé ma Licence à Londres à la SOAS (School of Oriental and African Studies, équivalent de l’INALCO en France), en Birman et en Droit. J’ai pu faire une année à l’étranger en Birmanie (Myanmar) et avant mon départ, j’ai eu l’opportunité de faire un stage en développement au Vietnam. J’ai également fait du bénévolat en Thaïlande avant de m’installer en Birmanie pour un an où j’ai fait un stage avec l’Union Européenne dans la capitale économique Yangon.
Quand je suis retourné finir ma Licence, j’ai fait un autre stage humanitaire à Londres, avant de commencer un Master en Conflits Sécurité et Développement au King’s College London. J’ai vraiment solidifié mon intérêt et mon orientation. Après mon Master, j’ai eu l’envie de me rapprocher du Myanmar parce que j’étais tombé amoureux du pays. Je suis allé en Thaïlande pour chercher du travail, et finalement, j’ai trouvé un stage avec l’OIM dans le bureau régional à Bangkok. Six mois plus tard, j’ai été envoyé à Cox’s Bazar, au Bangladesh, pour travailler dans les camps des réfugiés Rohingya. C’est là-bas que je me suis spécialisé et que j’ai pu travailler en lien étroit avec le Myanmar puisque beaucoup des réfugiés étaient venus du Rakhine, un état se trouvant dans l’Ouest du Myanmar. Je me suis spécialisé dans la gestion et coordination de camps. La langue birmane a été assez utile, j’ai énormément appris autour de la coordination et la gestion de camps, l’engagement communautaire, le travail en urgence – et deux ans plus tard, j’ai été transféré au Soudan du Sud quand j’ai vu que l’opportunité se présentait.
Au Soudan du Sud, il existe plusieurs unités au sein de l’organisation, chacun se spécialisant sur une thématique. Moi je m’occupe principalement de la gestion et l’organisation des camps pour les déplacés internes du pays.
Quelles sont 3 choses que tu aimes et 3 choses qui te mettent au défi dans ton travail ?
Il y a beaucoup de choses à aimer dans ce travail. Je ne suis pas quelqu’un qui aime passer ma vie au bureau. L’aventure et le travail sur le terrain sont importants pour moi. Le temps passe plus vite quand tu travailles dehors. (Rires) C’est un travail qui nous permet de travailler avec les gens qu’on doit servir. J’aime la possibilité de voyager, d’accéder à des endroits qui peuvent être difficiles d’accès.
C’est un travail qui te met en proximité avec les communautés locales affectées par différents conflits, désastres naturels, des circonstances politiques qui ne les favorisent pas ; C’est l’accomplissement d’un objectif assez personnel qui me tient à cœur. C’est un privilège de pouvoir être empli d’humilité, d’être ému, d’être inspiré par la compassion, la force et la résilience des communautés avec lesquelles et pour lesquelles on travaille. C’est un aspect assez fort de ce travail. On apprend tous les jours.
En termes de défis, il y en a, comme toutes professions. C’est très difficile de séparer l’aide humanitaire des circonstances politiques du monde mais aussi du pays dans lequel on travaille. Cela peut être assez frustrant de se confronter aux réalités politiques des pays dans lesquels on travaille.
Ces frustrations nous amènent parfois à oublier la raison initiale pour laquelle on fait ce qu’on fait. Il faut toujours se rappeler pourquoi on fait ce travail et pourquoi à notre niveau on peut faire une différence.
Enfin, en fonction de la mission ou du pays où on travaille, les conditions de vie peuvent être parfois difficiles. Que ce soit l’accès aux soins, les couvre-feux, le style de vie, ce ne sont pas toujours les meilleures conditions. Au Soudan du Sud par exemple, et ceci est mon opinion personnelle, on trouve des instabilités politiques au niveau régional, un environnement qui peut être hostile et un mode de vie spartiate, qui ne favorisent pas forcément a un mode de vie équilibré.
Les crises sanitaires existent dans différentes parties du pays et sont différentes (choléra, hépatite E, liés à l’eau stagnante, paludisme lié aux moustiques). Tout ce qui se passe au niveau national est très différent en fonction de l’endroit du pays dans lequel on se trouve. Plus on s’éloigne de la capitale, moins le gouvernement est présent. C’est un peu un melting pot de soucis mais beaucoup de personnes, notamment le gouvernement du pays, les gouvernements partenaires, les ONG (tant qu’internationales et locales), agences onusiennes, y travaillent à trouver des solutions.
J’ai la chance de pouvoir beaucoup bouger mais j’ai été basé dans le nord du pays pendant 8-9 mois.
Peux-tu nous parler de ton expérience au LFS ? Quels souvenirs en gardes-tu ?
J’aime être franc sur mes opinions (Rires), mais je dois avouer en toute franchise que j’ai adoré mon temps au Lycée Français de Shanghai. J’ai eu énormément de chance d’étudier au LFS entre 2003 et 2013, je me rappelle que mes 2-3 premières années se sont faites dans l’ancienne école sur Jinhui Road. En arrivant sur le nouveau campus de Qingpu, c’était incroyable. J’en garde un très bon souvenir.
En quoi le LFS t’a encouragé et aidé ton développement ?
A l’époque, je n’étais pas forcément fan du système français, très encadré et avec beaucoup de suivi, mais maintenant, je me rends compte que j’ai eu de la chance d’être autant suivi par l’équipe du lycée à l’époque. J’avais choisi l’OIB (Option Internationale du Baccalauréat) chinois, j’étais dans une bonne classe. Je suis moitié Français, moitié Taïwanais, il fallait donc impérativement que je perfectionne mon chinois, c’était important pour moi et ma famille. La qualité des cours au LFS est d’un très bon niveau. On a vraiment de la chance d’avoir des profs engagés avec leurs élèves. Parfois c’est difficile, mais on est soutenu.
J’ai également beaucoup aimé les activités extracurriculaires. On faisait de la musique, on avait un groupe, une salle de répèt, un petit studio, il y avait une équipe de foot, une équipe de rugby, il y avait pas mal de choses à faire en dehors de cours, on avait accès à la piscine.
Pour nos élèves qui nous liront, quels conseils leur donnerais-tu, par rapport à leur parcours futur et leur développement personnel ?
Je pense que c’est important de continuer à être ambitieux, tout en restant humble, et en se souvenant que ce n’est pas forcément parce qu’on est plus âgé qu’on sait mieux, en fait. C’est toujours une continuité d’apprentissages, on se pose naturellement des questions, certaines auxquelles on trouve des réponses, d’autres auxquelles il nous faudra réfléchir un peu plus longtemps.
Il ne faut pas trop se prendre la tête à « trouver ce qu’on veut faire dans la vie », c’est assez restreint comme choix, et cela peut fermer des portes. Pour moi, ce qui m’a beaucoup aidé, ce fut non pas de savoir ce que je voulais faire en termes de travail, mais plutôt quelles différences je voulais apporter dans le monde à mon niveau. Je voulais aider les gens et il y a beaucoup de professions qui nous mènent ça : on peut devenir médecin, on peut devenir avocat, on peut devenir professeur. Beaucoup de portes peuvent s’ouvrir. Cela vient petit à petit.
Enfin, s’il y avait un conseil de vie que tu donnerais à toi à 18 ans, lequel serait-il ?
(Rires) C’est difficile. Je me donnerais un conseil similaire, je me dirais de ne pas uniquement prendre en compte le conseil de classe du lycée. Je me dirais de m’écouter, d’être ambitieux mais surtout, je me dirais de rester humble, peu importe ce que je décide de faire et de me rappeler que j’ai de la chance d’être là où je suis. Humilité et ambition, les deux sont possibles.